Le lambeau de Philippe Lançon

Au-delà de l'émotion historique qui a bouleversé la France en 2015 - les attentats de Charlie Hebdo et de l'hyper casher en janvier - ce livre raconte avec pudeur, délicatesse et pourtant sans jamais édulcorer la réalité, la reconstruction physique et psychologique de l'auteur, victime de ces attentats.

Alors oui, c'est violent et pourtant on rit des portraits incisifs que l'auteur fait de ses amis, de sa chirurgienne...

Oui, c'est insoutenable d'assister, impuissant lecteur comme impuissant patient, à cette reconstruction physique longue, lente, douloureuse et pourtant avec l'auteur, on espère que la vie pourra reprendre, qu'elle sera encore belle malgré ces épreuves.

Oui, c'est injuste parce que ce parcours, on ne peut le faire que seul. Même si les amis, les amours, les médecins attentionnés sont présents, c'est un combat qu'on livre avec soi-même, avec le destin, avec les fantômes de ceux qui sont morts et les fantômes des assassins.

Philippe Lançon m'a embarquée dans ce voyage de la remontée des enfers. Son écriture n'est jamais pathétique, dramatique. Elle est à la fois analytique, clinique, d'un humour caustique et si profondément humaine, sensuelle,  empathique, presque tendre. Dans ce récit qui parle de lui, il parle beaucoup des autres. Ce pourrait être le simple témoignage d'un journaliste, mais c'est bien l'œuvre d'un écrivain. 

 

J'ai adoré ce livre que j'ai dévoré. J'ai pleuré et j'ai ri, j'ai été ému et j'ai appris.


Un extrait

La première des apparitions dont je me souviens, Emilie, était une petite infirmière brune de vingt et un ans. Elle était têtue et volontaire, elle fermait et plissait sa petite bouche quand elle était contrariée. Je crois me rappeler qu'elle était bretonne. C'était son premier poste. Il fallait faire des analyses, comme toujours lorsqu'on arrive dans un service. Mais où piquer, avec ces tuyaux partout ?  Quelqu'un de plus expérimenté l'a aidée à trouver une veine. Elle était agacée. Allongé dans mon lit et respirant comme je pouvais, je l'ai regardé faire en me demandant si ma vie pouvait dépendre de quelqu'un d'aussi têtu et, plus encore, d'aussi jeune.