Regards parallèles sur le monde


Un poème écrit à deux mains, à deux cœurs, à deux histoires,

Par Wesly ( 19 ans) habitant à Jacmel – Haïti

 

Et Arlette (65 ans) habitant à St Gildas des bois - France


Tant de question pour une culture à la couleur d'ébène

Mais en dépit tout ça, reste notre fierté et on l'aime

En plein cœur de la caraïbe, là s’est réuni tout l'occident.

Sous les fouets de l'impérialisme, elle pleure tous ses ascendants

Partis vers l'orient, où nos larmes ne cessent de les tourmenter.

À cause de notre quête d'identité, notre haïtianité a été écorchée !

Mon Dieu ! Est-ce qu’un jour elle renaîtra de ces cendres ?

 

Ô toi l’ami que je ne connais pas, ton continent m’effraie.

Je glisse sur l’asphalte de mes routes endeuillées

Par la vitesse de la course effrénée à l’argent

De ceux qui ici ou là-bas où tu vis, sont les rapaces du vivant.

Point n’est de salut pour l’Occident s’il n’accueille pas l’Orient

Tu cherches ton haïtianité, joli mot que tu fais chanter

Moi je rêve de notre humanité qui réunirait nos continents.

 

Les rêves sont toujours nos plus belles passions de la vie.

Tu rêves de notre humanité, dans le néant qui survit

Moi je rêve la fraternité, l'égalité,

Et ma plus grande quête c'est la liberté.

Libre de toute domination et vivre hors de l'iniquité.

Mais ! comme toujours yes we can !

L'instant après on s'offre au plus offrant.

Qui ne rêve pas d'être un de ces citoyens conquérants ?

Mais mon rêve à moi c'est d'être citoyen du monde.

 

 

Le désir de conquête du vaste monde a rétréci nos cœurs

Nos yeux éblouis par l’or et les richesses matérielles

Ont cessé de voir la beauté de la nature et les simples bonheurs

Qui ne se vendent pas : la fraicheur du ruisseau, l’arc-en-ciel

Qui annonce le retour du soleil, la caresse d’un amant

Le sourire que l’on offre à un inconnu en passant.

Cette liberté que tu espères, dans mon pays je la connais

Mais bien souvent elle s’accompagne de l’isolement

A quoi servent la liberté, l’égalité si elles cheminent sans la fraternité.

 

Nous sommes tous les mêmes au fond,

Mais la société elle-même nous rend différents. 

On confond toujours le noir et le blanc comme des couleurs.

Mais on se trompe à chaque fois sur la ligne car ils sont deux tons.

Hélas ! dans nos vies ils sont symboles de deux camps.

À toujours s'arracher l'un l'autre, en ne dégageant que des rancœurs.

À toujours vouloir être indépendant, mais ça coûte très cher.

Nos vies ! le prix à payer, c'est ça qui m'arrache le cœur.

J'aimerais tant être libre mais qui aura la gentillesse de me l'offrir,

Si j'ai rien à offrir comme gage pour ne plus souffrir,

J'ai  plus rien à perdre puisqu'on m'a tout pris.

J'ai plus rien à gagner car mes valeurs n'ont pas de prix.

Mais j'aimerais tant être libre et ne plus souffrir car je veux vivre.

 

 

Eh l’ami ! des milliers de kilomètres nous séparent

J’entends ton cri et les oiseaux de mer portent nos messages.

J’aimerais tant que la vie te sourit, qu’elle t’apporte au même âge

Les souvenirs heureux, le silence de la paix, les bonheurs du hasard,

Et l’amour !

Je vois brûler le monde

Et la terre qui est ronde

Pleure sur nos chimères,

Des larmes de misère.

Car l’homme est ainsi

Il aspire au bonheur,

Mais se gave de vils plaisirs

Il rêve de douceur,

Mais il est capable du pire.

Eh l’ami ! Ne perds pas espoir, il faut croire au miracle de la vie.

Eh l’ami, raconte-moi ce qui est beau dans ton pays !

 

Ici-bas ! La seule chose qui rend la plupart des gens heureux c'est l'oseille. 

Elle ne fait pas le bonheur, mais facilite la vie.

Elle change la face du monde en nous remplissant d'orgueil

Elle permet les échanges, mais pour autant ses bienfaits ne sont pas gracieux.

L'argent n'a pas d'odeur aujourd'hui c'est notre plus grand alibi.

À chaque fois elle fait volte-face sur pile, elle nous rend plus ambitieux ! 

Chez moi je connais le bonheur seulement dans mes rêves.

Ma peau est la seule chose que je trouve belle,

Elle vaut mille écus d'or sous un soleil de glaive.

Je me vois toujours riche car le savoir appelle le savoir.

Mais en me réveillant je remarque que les rêves ne sont pas éternels.

Noir ! c'est ma couleur préférée quand je me regarde dans le miroir 

Mi noir, mi blanc c'est la couleur de mes pensées 

Le gris c'est beau quand même ! Mais c'est la couleur d'un cœur non pansé.

Broyée dans un mortier de fraîcheur des Alizés, 

Mon âme respire le désespoir de deux poumons attristés. 

Dis-moi chère amie, qu'est-ce qui te rattache à cette vie ?

 

Vivre est la seule chose que je sais faire, inspirer, expirer,

Avaler les chagrins, boire le sirop de l’amertume

Autant que le jus de la treille ou l’eau fraiche du torrent.

Parfois le souffle qui m’anime vient à s’étioler

Il me vient alors des pensées posthumes

L’envie de me coucher, d’oublier le vivant.

L’amour fut une cascade tumultueuse

Qui a ravi mon cœur de nombreuses années.

Aujourd’hui, elle s’est faite silencieuse

Et je ne compte plus les jours des amours passés.

Il reste le soleil, la tendresse de mes chats

Les amis parfois qui passent mais ne s’arrêtent pas,

La mer infinie où portent mes regards vers l’horizon

Les souvenirs heureux, quelques notes d’une chanson.

Est-ce suffisant pour vivre ?

 

L’important dans la vie, c’est de se contenter d’elle-même.

Nous voulons tous aller au paradis, mais on a peur de l’avenir.

La vie nous écrase, mais nous voulons exister.

Est-ce qu’à un moment nous avons essayé de réapprendre à vivre ?

Non ! L’homme n’existe pas, ne vit pas, mais veut toujours briller.

Nous devons briller pour exister, alors, même quand la vie nous écrase.

Vivre c’est exister, puisqu’on existe avant de vouloir vivre,

Sinon pourquoi cherche-t-on une vie après la mort ?

Si ce n’est pour laisser une trace de notre vie avant l’extase 

Marquer notre passage de la vie à la mort ?

Quand la lumière jaillit, le coucher du soleil est sa limite.

En plein cœur de la nuit, la lune brille.

Et pourquoi pas l’homme, même après sa mort ?

 

 

Et pourquoi pas la lumière de notre vivant ?


J'ai rencontré Wesly sur un site de partage de textes. Nous avons échangé quelques mots, puis très vite, Wesly m'a fait part de ses textes pour avoir mon avis sur son écriture.

Nous partageons une langue commune, le français, mais nous ne l'exprimons pas de la même manière, d'abord parce que Wesly y mélange aussi d'autres dialectes, ensuite parce que notre culture véhicule des différences dans nos pensées et notre façon d'appréhender le monde.

Au mois d'août 2021, j'ai proposé à Wesly d'écrire un poème à deux voix. Il écrivait une dizaine de lignes, me les envoyait par mail. J'ajoutais une nouvelle strophe en répons à la sienne. Je corrigeais aussi certaines fautes d'orthographe mais surtout de grammaire. Nous avons aussi souvent discuté du sens d'un mot, d'une phrase que nous ne percevions pas de la même manière. Echanges intéressants, instructifs, humains, littéraires et amicaux.

J'aimerais beaucoup pouvoir faire la connaissance en vrai de Wesly, aller visiter sa si jolie ville de Jacmel, l'accueillir dans ma maison et lui faire découvrir ma région... un jour peut-être !