Vous vous souvenez ?

 

Le 17 mars 2020, un minuscule organisme nommé Covid 19, un petit coronavirus, nous obligeait à rester cloitré dans nos maisons, à l’exception de l’autorisation strictement encadrée d’aller faire quelques courses, masque sur le nez, méfiance et peur au cœur.

Lors de ce premier confinement, nous avons été nombreux à imaginer des façons de nous « évader » de cette prison virtuelle. Les apéros zoom sont devenus des rituels qui nous permettaient de rester en lien. D’autres chantaient ou dansaient sur leur balcon. Chacun, chacune y allait de sa vidéo postée sur les réseaux sociaux pour partager de façon virtuelle ce que nous ne pouvions plus faire en réel.

De mon côté, je lançais sur Facebook un groupe que j’intitulais « Confiné et créatif » où j’invitais chacun à présenter ses créations artistiques, musique, photo, poésies, recettes de cuisine, travaux manuels, couture, peinture, tout ce que nous faisions pour supporter cet enfermement.

 Les poèmes réunis dans ce recueil sont ma participation à cet épisode de créations confinées. Je décidai d’écrire chaque jour un poème pour raconter ce que je voyais de ma fenêtre et ce que m’inspirait cette situation inédite. 


27 mars 2020

 

De ma fenêtre,

Ce matin, le soleil illumine d’une lumière diffuse

Les bois, les champs et mon jardin.

Il éclaire en ombres et clartés, qui infusent

Lentement le tableau bucolique du printemps.

J’ai vu débouler deux tornades de poils noirs

Ivres de sauter et courir en liberté.

Mes chats, petits fauves heureux de gambader

Après une nuit, confinés au cœur de la maison.

Si j’avais pu oublier la longue plainte du désespoir

Qui mugit en sourdine et souffle la déraison

Sur un monde schizophrène

Partagé entre la peur et la haine.

A la radio, j’entends qu’un immeuble a chassé

Une infirmière par peur de contamination.

Des parisiens venus se réfugier

Sur la côte atlantique, victimes de discrimination.

Où est la compassion ?

L’entraide et la compréhension ?

Au loin, le soleil imperturbable poursuit son chemin

Il a levé d’un coup de projecteur

Les ombres qui baignaient encore le petit matin.

Je quitte ma fenêtre, de rêver, il n’est plus l’heure. 


1er avril 2020

 

Cette nuit, j’ai ouvert grand ma fenêtre sur le ciel étoilé

J’ai vu un petit croissant de lune qui fièrement éclairait

Le ciel. J’ai senti le souffle frais de la liberté,

Jusqu’aux étoiles mon cœur s’est envolé.

L’ivresse nocturne et solitaire m’ont fait oublier

Le confinement de ces jours derniers.

J’ai marché dans les champs, sur la route esseulée,

Me glissant comme une ombre derrière les volets fermés.

Fantômes de nuit, j’ai vu vos rêves et vos cauchemars

S’élever de vos corps ensommeillés et hagards.

J’ai entendu les plaintes et les murmures des mourants

Perçu les cris, les mots fiévreux du personnel soignant.

La lumineuse nuit a éteint ses lumières

Laissant place à la peur crépusculaire.


3 mai 2020

 

C’est un jour de pluie comme il y en a tant

Un dimanche gris et frileux de printemps

Un jour qui se lève dans un silence de cathédrale

Pour annoncer la mort d’un artiste magistral.

Idir n’est plus, le chantre des kabyles

A lancé sa dernière note sur sa guitare, fragile.

C’est un jour gris où la pluie coule sur mes joues

En larmes de chagrin, au dernier rendez-vous.

Je sais c’est indécent de pleurer un chanteur

Alors que tant de monde aujourd’hui se meure.

Mais sa musique légère et nostalgique

Résonne dans ma vie comme un sésame magique

Vers le monde d’hier, le pays de l’enfance.

Il a ouvert mon âme aux chemins d’espérance.

Ce n’était qu’un chanteur, musicien et poète

Il est parti rejoindre le ciel, fugitive comète.

Il fait partie de ceux, musiciens, jongleurs, écrivains

Nécessaires à nos vies, comme au pain, le levain.

Alors oui, je pleure. Mais sa musique est là

Pour essuyer mes larmes. Aujourd’hui comme demain

J’écouterai chanter « A vava inouva »