Bernard Minier est un auteur de thrillers


 

Chapitre 1 – Se mettre en conditions satori

La séance de Bernard Minier démarre avec des bruits : de la pluie, un orage, une porte qui grince, des pleurs… et voici ce qu’il dit :

« J’ai retenu votre attention.  Vous êtes à l’écoute, curieux de ce qui va suivre »

Le thriller c’est cela : émotion, curiosité, mystère, suspens, manipulation. Le mot thriller vient du verbe anglais « to thrill » qui signifie « faire frémir ». C’est un art qui utilise le suspens pour maintenir le lecteur en haleine jusqu’à la dernière page.

1ère règle :

Avant de démarrer votre manuscrit avec l’espoir de plaire à un éditeur, dites-vous bien que la 1ère personne à qui vous devez plaire, c’est vous-même.

Cela veut dire, mettez dans votre histoire les ingrédients que vous aimez trouver dans un roman. Une atmosphère, de la noirceur, des personnages étranges, de la montagne ou de la mer, du surnaturel… Faites-vous plaisir, mais attention, vous n’êtes pas là pour vous regarder écrire. L’objectif est qu’un jour ou l’autre votre roman soit lu par quelqu’un d’autre qui n’aura pas de temps à perdre dans sa lecture.

2ème règle :

Pas de perturbation. Il est difficile, voire impossible d’écrire, si vous êtes en permanence dérangé. Trouvez-vous un coin où vous serez seul. Faites-en une règle d’airain. Si vous voulez vraiment devenir écrivain, cette règle n’est pas négociable.

Et essayez d’écrire, sinon tous les jours, du moins deux ou trois jours par semaine. Ne laissez jamais refroidir trop longtemps votre histoire. J’ai écrit mon 1er roman pendant les vacances et les week-ends.

3ème règle :

Soyez auteur et lecteur 24h/24 ou presque. Soyez curieux, ouvert au monde, aux gens, à l’étrangeté, à la vie. Lisez beaucoup. On ne devient pas un auteur sans lire. Encore faut-il lire de bons livres. Mais qu’est-ce qu’un bon livre ? Vaste débat.

Liste des ouvrages recommandés par Bernard Minier

La dramaturgie de Lavandier

Le Français pratique de Berthier et Colignon

Millenium de Stieg Larsson

Le Silence des Agneaux de Thomas Harris

Gone Baby Gone de Dennis Lehane

Tokyo de Mo Hayder

Les Racines du Mal de Maurice G Dantec

L’Eté meurtrier de Sébastien Japrisot

Mygale de Thierry Jonquet

Les Morts de la Saint-Jean de Henning Mankell

La Soif de Jo Nesbo

Misery de Stephen King

La Taupe de John Le Carré

Film Jurassic Park de Michael Crichton

Film Les Rivières pourpres de Jean-Christophe Grangé

 

Ces thrillers ont en commun une écriture remarquable, un univers singulier et des idées à toutes les pages. Venons-en aux idées. D’où viennent-elles ? Ma réponse : de partout. Est-ce qu’il faut de l’imagination ? OUI. Est-ce que l’imagination se travaille, s’améliore ? OUI.  C’est comme un muscle. Il faut s’entrainer, faire des efforts. Cherchez des idées tout le temps, sur tout et n’importe quoi. Notez-les, faites-en une nouvelle, un début de roman.

4ème règle :

Un bon moyen de s’exercer est de faire des concours de nouvelles. Ils ont souvent un thème imposé et c’est une bonne méthode pour s’entrainer à avoir des idées. Méfiez-vous cependant des premières idées qui vous viendront à l’esprit. Il y a de grandes chances pour que ce soit des clichés, des idées banales ou déjà vues. Mais pas de panique, ça va venir.

 

Exercice 1

Parmi mes thrillers préférés, il y en a trois au moins qui développent des idées particulièrement originales : Jurassic Park de Michael Crichton, les Rivières pourpres de Jean-Christophe Grangé et Misery de Stephen King.

Choisissez-en deux sur trois et analysez en quoi ces histoires sont originales aussi bien dans leur high concept que dans leur traitement.

5ème règle :

C’est souvent l’expérience, la pratique qui font reconnaitre « la bonne idée » ce que j’appelle l’étincelle et ce sont souvent plusieurs idées qui s’entrechoquent qui font jaillir cette étincelle. Dans le cas de « Glacé » mon 1er roman, l’étincelle est venue des images d’un reportage sur une usine souterraine en montagne, du téléphérique dans le brouillard et la neige et d’un cheval décapité suspendu dans les câbles.

 

Exercice 2

Essayez d’imaginer un début de roman, une scène d’ouverture originale à partir de deux ou trois idées ou d’images qui se rencontrent…

 

6ème règle :

Jetez sur le papier votre pitch de départ (hight concept) qui évoluera en cours d’écriture. Décrivez les personnages principaux et secondaires, et leur rôle dans l’histoire, des phrases, des lignes de dialogue, des évènements, des rebondissements, des surprises. (Plus tôt vous surprendrez le lecteur, mieux ce sera), un dénouement, un ou plusieurs thèmes qui se détachent.

Ensuite dans un deuxième temps, vous examinerez cette « soupe primordiale », vous en traquerez les faiblesses, les défauts, les erreurs, les incohérences. Vous continuerez à l’enrichir, à la complexifier, à lui donner vie… et peut-être jetterez-vous tout cela à la corbeille, et recommencerez à zéro, et c’est tant mieux.

7ème règle :

Une fois que vous commencerez à avoir une histoire, imprégnez-vous, soyez une éponge, absorbez, allez sur les lieux que vous allez décrire, rencontrez les gens qui exercent les métiers de vos personnages, lisez sur tout ce dont vous allez parler (articles, témoignages, blogs), faites des photos, des croquis, remplissez des carnets de notes qui contiendront des bribes de descriptions, de portraits, de dialogues, des détails, des embryons d’idées secondaires, des informations (comme des horaires de cars, de trains, des tarifs, des noms de boutique, de cafés, d’hôtels), tout et n’importe quoi.

Une fois que vous aurez accumuler cette masse d’informations et de sensations « tordez l’éponge et voyez ce qui en sort ». Sachez ce dont vous parlez et parlez de ce que vous connaissez. Cela évitera les clichés et de passer pour un imbécile aux yeux des spécialistes, mais surtout cela donnera à votre récit une crédibilité.

Quand j’ai écrit une scène qui se passe dans un train de nuit entre Oslo et Bergen (et qui fait 5 pages dans mon roman), je suis allé à Oslo et j’ai pris ce train de nuit. Idem quand j’ai écrit une scène qui se passe à Hong-Kong, je me suis rendu à Hong-Kong.

 

Note personnelle : Merci Bernard Minier pour cet excellent conseil. Pouvez-vous aussi nous expliquer comment vous avez financé ces voyages ?

 

Bien sûr, vous ne retranscrirez pas dans votre roman toutes les informations que vous avez accumulé car il n’a pas vocation à être un documentaire. Un roman est un iceberg : il y a la partie émergée, qui est l’histoire lue par le lecteur, et la partie immergée qui est tout ce que vous savez de vos personnages, les domaines que vous explorez, les lieux que vous décrivez et qui ne peut pas apparaitre dans votre texte, sous peine de le rendre indigeste. Pour que votre histoire sonne vrai, qu’on y croit, il faut que la partie sous la surface soit bien plus grosse que celle qui est au-dessus.

 

Exercice 3

Décrivez-en un ou deux paragraphes, en sélectionnant quelques détails significatifs, un lieu, un métier ou un sport que vous connaissez bien, et essayez de rendre cette présentation aussi vivante et captivante que possible tout en évitant si possible les clichés.